"C’est à la toute fin de
l’année 1781 que Mozart et Clementi s’opposèrent au cours d’une joute
d’improvisation, à l’initiative du très facétieux empereur d’Autriche Joseph
II..."
..."Ils ajoutèrent ainsi leurs noms à la longue liste des duels musicaux qui ont toujours
fait la joie du public et la réprobation des puristes. On citera également
volontiers Bach contre Louis Marchand, Haendel contre Scarlatti, Beethoven
contre Steibelt, ou le fameux duel pianistique parisien qui eut lieu en 1837
entre Liszt et Thalberg, à l’issue duquel la princesse Belgiojoso devait
déclarer avec diplomatie « Thalberg est le premier pianiste du monde, Liszt est
le seul ».
Un
temps tombée dans l’oubli, cette tradition est aujourd’hui relevée par les
pianistes de jazz, et c’est ainsi que j’ai eu ces dernières années le plaisir
de croiser le fer (je devrais plutôt dire croiser l’ébène et l’ivoire...) avec
Antoine Hervé, Chilly Gonzales, Andy Emler, Enrico Pieranunzi, Dimitri
Naïditch, Yaron Herman, Gabriela Montero, André Manoukian, Bruno Fontaine,
Frank Woeste, Thomas Enhco ou Dan Tepfer.
Mais
cette expérience « duelistique » ne m’empêchera pas, j’en ai peur, d’avoir le
trac à l’idée d’affronter en combat singulier un musicien aussi accompli que
Jacky Terrasson, dont le lyrisme mélodique, la subtilité harmonique et la
puissance rythmique font un redoutable adversaire.
C’est
que le deux pianos est un exercice exigeant, où il s’agit de conduire le
discours musical tout en tenant compte d’une autre invention, parallèle,
complémentaire ou simultanée.
Deux
cerveaux, quatre oreilles, vingt doigts, quatre pieds, 460 cordes et 176
touches pour une bataille à la fois impitoyable et complice, rythmique et
sensible, rigoureuse et improvisée."
Jean-François Zygel